Chronique d’un moi pensif

a cura di Maurilio Correnti e di Cristina Basile

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Beaucoup d’entre nous depuis des jours, des semaines mêmes, ont été invités au confinement à cause de l’émergence du covid19. Je vais passer les détails techniques sur ce que covid19 signifie, étant donné qu’aujourd’hui, tu es sans doute un lecteur connecté disposant d’un tas d’informations en ligne. Du coup, te répéter ici la même chose dite d’une façon faussement différente ne sert à rien. De plus, si j’écris ces lignes c’est pour te parler de mon covid19.

C’est impressionnant de voir comment, en quelques mois, le monde a été paralysé, effrayé, bouleversé, et, de plus, entouré d’une incertitude incessante.

Je me souviens que, pendant les vacances de Noël, comme la tradition l’impose, je me trouvais chez mes parents. Laisse-moi te dire que mon père, en raison d’une vie professionnelle désormais de moins en moins active (ceci est une autre histoire), ne loupe aucune information sur les drames du monde (bien évidemment l’info vendue et mâchée par les médias… mais ceci est aussi une autre histoire). Juste avant le déjeuner, d’un jour situé entre le 25 et le 31 décembre, assis dans son fauteuil, il m’attrape: «en Chine il y a un nouveau virus». Je vous avoue qu’à l’époque j’avais un peu nié l’affaire (et sa préoccupation), sachant que mon père, toujours lui, a développé un sens aigu et caricatural de catastrophisme mondial: à la moindre nouvelle un peu inquiétante relevant de la politique, de l’économie, de la médecine, à l’exception de la culture, très vite, c’est la catastrophe et on va tous (le peuple) être mal, et puis abandonnés par les puissants (là j’avoue qu’il n’a peut-être pas tort… mon père).

Bref, pour revenir à ma relation avec le covid, je dois avouer que, jusqu’il y a quelques jours, je le
regardais de loin, par le biais de mon téléphone, sans doute en sous-estimant l’ampleur qu’il allait prendre. Puis d’un coup, le réveil, la conscientisation. Il y à peine dix jours j’ai fait un pic fébrile et j’ai été obligé de me rendre à l’hôpital. Le screening m’exclut des cas suspects de covid19 au Mexique, pays dans lequel je me trouve au moment d’écrire ces quelques lignes. Au moment de ce petit trip aux urgences, les tests rapides n’étaient pas encore disponibles et le screening était assez strict. Au fond je n’avais que de la fièvre et mes contacts avec mes compatriotes asymptomatiques (ah oui…je suis italien!) n’étaient pas considérés comme facteurs de risque d’une potentielle contagion. On me prescrit le médicament qu’on donne en cas de grippe et on m’impose du repos, avec une visite de suivi chez un médecin spécialiste quatre jours plus tard, «pour contrôler», me dit le médecin (attendez je ne pige pas trop: je suis exclu ou pas? Je pourrais quand même l’avoir? L’incertitude incessante m’enrobe chaleureusement).

Les journées à la maison passent, entre un film, une série, un bouquin, un appel vidéo, Instagram, WhatsApp, une pensée positive, une pensée négative… et parce que j’ai l’obligation morale d’être honnête avec toi qui me lis, et bien aussi une branlette (bon peut-être plus qu’une, mais au fond ceci est une autre histoire). Le temps passe et, ici aussi, le covid19, avec son impact, arrive doucement. Télétravail ordonné par nos chefs, un nouveau colocataire et collègue qui arrive en plein crise et se demande ce qu’il fiche là (je me pose la même question, mon grand, j’étais seul dans l’appart et tu es venu briser, sans demander pardon, le calme stoïque de ma quarantaine solitaire. Mais bon… toi aussi, je te pardonne).

Le mini-chaos s’enchaîne, avec la même incertitude englobante qui, depuis le début de cette crise mondiale, nous berce, comme si elle était devenue la seule certitude de notre vie, nous offrant paradoxalement une stabilité: on ne sait pas ce qui va se passer demain, on ne pense qu’au présent (Eh bien…d’un coup la crise de la trentaine – «qu’est-ce que je veux faire de ma vie» – s’est éclipsée. C’est top ça, non?). Des groupes WhatsApp de collègues, plein d’infos sur comment se laver les mains, la maison, les courses, rester propre, ne pas tousser, se relaver les mains, acheter du papier toilette, mais pas trop, car tout le monde en a besoin, des blagues sur le drame que vit le monde, le drame des blagues pourries qui circulent, bref…le covid19 fait officiellement partie de ma vie.

Plus on avance dans la crise, plus des penseurs émettent des hypothèses, des idées, des suggestions, des propositions: ce qu’on doit faire, ce qu’on pourrait faire; des questions cosmiques s’entremêlent; et voilà que même le consommateur endurci à la Saint-Valentin, poste et partage des vidéos sur le respect de la planète et la terrible vie que nous avons menée jusqu’à maintenant. Nous? C’est drôle que je parle de nous… Cette crise a peut-être pour objectif de recréer du lien? Un nous supposé qui doit essayer de surmonter le moment présent? C’est une jolie image celle du nous, et puis il parait que c’est à la mode maintenant de parler au pluriel… Néanmoins, toi qui me lis, qui est tout sauf bête (enfin…j’espère), tu sais bien que tout effet de mode est dangereux, surtout lorsqu’il s’agit de fortifier la forme, le contenant… en délaissant l’essentielle et nécessaire réflexion sur le contenu. Contenu qui, hélas, au final, est si intime qu’il n’appartient qu’à chacun. Et puis, ce contenu, à le gratter, à le creuser, risque de plus en plus d’être effrayant, contaminé. Le «co»-vide est peut-être arrivé avant nous… mais ne t’en fais pas, tout ira bien.